Château du Frankenbourg

C’est sur le sommet du Schlossberg (« montagne du château »), qui sépare le val de Villé du val de Lièpvre, que fut construit le château de Frankenbourg. Ce sommet en forme de cône culmine à 703 mètres et est entouré de toute part par la forêt. À partir de ce sommet on aperçoit la plaine d’Alsace, le val de Villé, jusque vers Breitenbach et la vallée de la Liepvrette, dont Lièpvre. Dans cette direction, on aperçoit aussi la montagne du Chalmont, qui culmine à 697 mètres. À droite, le rocher du Coucou, abrite un relais hertzien de télévision et de radiodiffusion, qui dessert la région de la moyenne Alsace et du Val d’Argent. Le château domine l’entrée de la vallée de Sainte Marie-aux-Mines traversée par la route transvosgiennne qui aboutit en Lorraine et qui, au Moyen Âge, représentait un intérêt stratégique.

 

Lorsque de Sainte Marie-aux-Mines on veut se rendre au château de Frankenbourg, on prend d’abord la Route Nationale 59 jusqu’au bas du village de Lièpvre, ensuite on tourne à gauche après avoir traversé la Liepvrette en face des Cuisines Schmidt. On suit ensuite la route de La Vancelle, puis on traverse une forêt de pins qui mène jusqu’au château. Il n’existe pas de route bitumée qui mène au château à partir de La Vancelle. Il existe par contre une route bitumée à partir de Lièpvre et La Vancelle qui n’est ouverte à la circulation automobile qu’à une certaine période de l’année et seulement le dimanche. Une autre route bitumée existe depuis Breitenau dans le val de Villé qui permet de se rapprocher au plus près du château de Frankenbourg, mais là aussi la circulation automobile n’est ouverte que le dimanche à une certaine période de l’année. Le reste du trajet menant au château se fait en 10 minutes sans fatigue. Il faut juste laisser la voiture et se garer sur le parking aménagé à cet effet, à proximité du Schlossplatz (Place du château). Le château est aussi accessible à pied depuis La Vancelle, depuis Neubois, ou encore depuis Lièpvre.

Bien avant l’époque médiévale, l’endroit où se dresse aujourd’hui ce château a fait l’objet de constructions. Des découvertes archéologiques ont révélé la présence d’objets qui remontent à l’âge de bronze. Cela n’a rien d’étonnant quand on songe que l’endroit représentait une position stratégique et un verrou important pour surveiller l’entrée des deux vallées : le val de Villé et le val de Lièpvre.

L’origine exacte du château est inconnue, mais un ancien analyste, Daniel Specklin [2], affirme que c’est Clovis (Clodovig) roi des Francs qui construisit ce château vers le cinquième siècle lorsqu’il fit la conquête de l’Alsace. Il bâtit ce château sur un plateau qui domine les deux vallées de la Liepvrette et de Villé afin de s’assurer plus facilement le passage de ses troupes d’est en ouest. Il nomma ce château le « château de Frankenbourg » qui veut dire la forteresse des Francs (Burg der Franken). Il y bâtit une chapelle où Specklin dit avoir vu sur l’un des vitraux peints qui existaient encore de son temps les premières armoiries des Francs: trois crapauds de sables sur un champ d’argent. Selon la légende, au cours de bataille de Tolbiac que de nombreux historiens situent au Kochersberg au nord-ouest de Strasbourg[réf. nécessaire]Clovis avait promis à sa femme Clotilde qu’il se convertirait au Dieu des Chrétiens si celui-ci lui accordait la victoire. La tradition veut que cette promesse eût été prononcée au château de Frankenbourg. Après sa conversion au christianisme, Clovis aurait remplacé les trois crapauds, par trois fleurs de lys qui sont devenues ensuite les armes des rois de France. C’est dans la chapelle de ce château, dit la tradition, que l’épouse de Clovis, Sainte Clotilde a prié, pendant la bataille de Tolbiac, pour obtenir la victoire et la conversion de son mari. Dans la région a longtemps circulé une autre légende. Au pied de la montagne, du côté de Villé, il y a un village qui porte le nom de Bassemberg (la montagne de Basine), où la mère de Clovis, selon la tradition avait une demeure qu’elle habitait, pendant son séjour dans la contrée.

L’évocation de ce château est mentionnée la première fois officiellement en 1123 sous le nom de Frankenbourg à travers une charte de l’empereur Henri IV. Ce château est aussi mentionné le 4 juillet 1153 lorsque Frédéric Ier vint visiter l’abbaye d’Erstein fondée par l’impératrice Ermengarde vers 849 village que son mari, l’empereur Lothaire Ier lui avait confiée en 817. C’est à l’occasion d’un traité entre l’abbesse Bertha et le Margrave Hermann de Bade que Frédéric Ier assisté de Sigebert III de Werd, un allié des Hohenstaufen, que le nom de Frankenbourg est évoqué. Il reçoit le titre de comte de Frankenbourg vers 1153 de Frédéric Barberousse. Il tenait probablement aussi ce château en fief de l’évêché de Strasbourg, dont il était devenu propriétaire en vertu d’une donation faite en 1061 par le Landgrave Hermann et sa femme Hilca. Vers 1336, Ulric de Werd, Landgrave d’Alsace le tint également en fief de ce même évêché et en 1351, les comtes Louis et Frédéric d’Oettigen le reçurent de l’empereur Charles IV. Les Werd prétendaient descendre du duc Etichon au même titre que les ducs de Lorraine [4]. L’an 1411, l’évêché de Strasbourg auquel il appartenait, employa 1000 florins et en 1447, 2000 florins à sa reconstruction. À cette dernière époque il était occupé par les fils de Burcard de Lutzelstein dont les fils seront soumis à l’exil à cause des innombrables exactions qu’ils provoquent. En 1470 la ville de Sélestat nomma un châtelain chargé de surveiller le château en prévision d’une possible attaque des troupes bourguignonnes.

On connaît généralement en Alsace le château de Frankenbourg qui domine l’entrée des deux vallées de Lièpvre et de Villé, mais on ne connaît guère les comtes et le comté de ce nom. Si les historiens en font mention, ce n’est que sous le titre de comte de Werd [5] que prit le dernier d’entre eux. Le nom de Frankenbourg est cité pour la première fois dans une charte de l’empereur Henri V, donnée à Strasbourg le 26 janvier 1123 pour le couvent d’Alpirsbach qui se trouve dans le Wurtemberg. Parmi les témoins de cet acte et à la suite des comte Hugo de Dagsbourg, Folmar de Hünebourg, Guillaume de Lützelbourg, Frédéric de Sarrebrück (Saraburc), nous rencontrons le comte Conrad de Frankenbourg (Franconeburc). Mais qui était ce Conrad ? Le manque de documents ne permet pas d’affiner cette question. Il est vraisemblablement apparenté aux comtes de Sarrebrück, qui étaient d’origine alsacienne. Le second en titre du nom de Frankenbourg qui est en possession du comté est le comte Sigebert. La première fois qu’on trouve le nom de Sigebert en Alsace est dans un document du 21 septembre 1109 de l’évêque Cunon de Strasbourg en faveur du prieuré de Saint-Léonard près de Börsch. Dans cette pièce, il est mentionné le comte Sigebert tout court. Or, ce Sigebert était comte de Sarrebruck, petit-fils du premier Sigebert connu, à qui Henri VI, sur la prière du duc de Lorraine, avait fait don en 1080 de Wadgassen dans le Sarregau. Ce Sigebert se trouvait être comme le duc Thierry et le duc Frédéric de Hohenstaufen du parti de l’empereur contre le pape. Ce Sigebert qui est comte dans le Sarregau en Franconie (région de Sarrebrück) possédait des biens du temps du comte Adalbert de Lorraine ou d’Alsace, frère de Gérard d’Alsace (ou Gérard Ier de Lorraine), de la branche lorraine des ducs ou comtes d’Alsace. On peut donc admettre qu’il est l’héritier direct ou indirect des comtes d’Alsace en Lorraine. L’un de ses deux fils, Winither, devint abbé de Lorsch, dont il conféra le plus riche bien à Brumath, en fief à son frère Sigehart ou Sigebert II de Sarrebrück. C’est de cette époque que date la prospérité de la famille. Les fils de Sigebert II sont bien connus dans l’histoire. Le plus célèbre, Adalbert, fut archevêque de Mayence (11111137) et chancelier de l’empire sous Henri V. Bruno devint abbé de Lorsch et en 1110 évêque de Spire, puis Sigebert III et Frédéric qui portent expressément le nom de comtes de Sarrebrück.

Porte d’entrée du château du Frankenbourg

 

Ce comté, plus connu sous le nom de Comte-Ban, forme la partie sud du val de Villé la moins fertile parce qu’elle est adossée au versant nord des montagnes, qui séparent la vallée de Lièpvre de celle de Villé. Elle se compose des villages de Fouchy (anciennement appelé Grube), BreitenauNeuve-Église (Neukirch), Hirtzelbach[6]Dieffenbach-au-Val et Neubois (Gereuth). Le Val de Villé pourrait avoir appartenu dans son ensemble à une seule et même famille. Selon la tradition cette famille pourrait être les descendants du duc Attich. On ignore complètement quand la séparation se fit. Mais d’après l’origine du nom du village Neukirch et de ce qui est connu du val, elle n’a pas dû avoir lieu avant le XIe siècle. Par suite de son exposition, le Comte-Ban n’a dû être livré à la culture et à l’exploitation que bien après le comté d’Ortemberg. On connaît les comtes d’Ortemberg au XIe siècle. Ce sont les fondateurs de l’abbaye de Honcourt. Leurs possessions furent transmises par suite de mariage au comte, puis à l’empereur Rodolphe de Habsbourg [7]. Comme déjà signalé plus haut, le premier comte connu de Frankenbourg est un nommé Conrad en 1123. On ne sait pas s’il descendait des Ortembourg. Ou bien était-ce peut-être un petit fils de Hildegarde mère du premiers des Staufen, par le frère de ce dernier, Conrad déjà mort en 1095 ? Il est possible que sa soeur ou sa fille ait été l’épouse d’un comte de Sarrebrück, et ce dernier ne serait alors que Sigebert II.

 

Propriété des Comtes de Werd, il devient en 1232 un fief de l’église de Strasbourg.

 

En 1359, l’évêque de Strasbourg racheta les terres et le château du Frankenbourg et confie l’administration aux Comtes de Lénange vassaux de l’église de Strasbourg, qui devient ainsi Landgrave [8] de la basse-Alsace. Mais devant les difficultés financières, il dut se dessaisir d’une importante partie des biens qu’il avait accumulé, dont le château et les villages de FouchyBreitenauHirtzelbachDieffenbach-au-ValNeubois et Neuve-Église et plus tard aussi Châtenois. Ce sont les chanoines du Grand Chapitre de la Cathédrale de Strasbourg et de la ville de Sélestat qui se portèrent acquéreurs. La transaction se fit le 25 Octobre 1462 pour une somme de 8002 florins. Le grand chapitre de la cathédrale de Strasbourg prenait une option pour 2000 florins, la ville de Sélestat apportait 4000 florins et deux frères, Jacques et Bernard Wurmser mettaient en commun 2000 florins. En 1483 le chapitre de la cathédrale de Strasbourg racheta le vaste patrimoine immobilier et forestier du Frankenbourg et devenait ainsi le véritable maître du Comte-Ban jusqu’à la Révolution

Le château fut détruit par un incendie provoqué par la foudre en 1582. Il fut classé monument historique dans sa totalité le 6 décembre 1896, mais l’enceinte protohistorique ne le fut que le 10 septembre 1990.

 

On raconte dans la vallée qu’entre 1870 et 1873 la Sainte-Vierge serait apparue sur le sentier où se trouve aujourd’hui un chemin de croix, une chapelle et une source, dans le district forestier de Neubois, non loin du château du Frankenbourg. Elle y serait apparue une centaine de fois devant des milliers de personnes venant parfois de très loin.

Les ruines de ce château n’offrent plus qu’une vaste enceinte vide de forme rectangulaire, entourée de murs d’une hauteur de 6 à 10 mètres. La porte est située du côté Nord et fait face à la plaine d’Alsace. Du côté du Val de Villé se trouve le donjon, relativement bien conservé, dans lequel on peut encore voir une voûte de briques. Cette tour a une hauteur de 11 mètres et ses murs ont une épaisseur de 4 mètres [10]. Dans l’intérieur de l’enceinte, sur le côté qui fait face au val de Lièpvre on peut voir, adossé un mur, un escalier en pierre très bien conservé de 20 à 25 marches qui conduisait vraisemblablement au premier étage. Non loin de cet escalier et du même côté, à peu près par rapport à la porte d’entrée, se trouve à fleur de terre une petite croisée à moitié cachée par les décombres qui en obstruent l’entrée et par laquelle on jouit d’une jolie vue sur la vallée de la Liepvrette.

Il existe un mur, dit païen, entourant le château de Frankenbourg sur les trois côtés, à 150 mètres environ au-dessous des derniers murs baptisé ainsi par le pape Léon IX, qui considérait qu’il était antérieur à l’ère chrétienne. Ce mur se trouve sur la pente ouest du Schlossberg, un peu plus bas que le château. Sur le versant Est, il ne subsiste aucune trace. Ce mur a une certaine ressemblance avec celui du Mont Sainte-Odile, mais ne ressemble en rien à celui du Taennchel, pourtant distant d’une dizaine de kilomètres. La construction du mur païen du Frankenbourg, comme son assemblage, comportent des blocs considérables formés en queue d’aronde. Son épaisseur est de 1,80 m, sa largeur 0,60 à 0,90 m, et sa hauteur 0,50 à 0,70 m. La plupart des spécialistes pensent que ce mur remonte à la fin à l’âge de fer, peut-être la Tène [11] (480 avant Jésus Christ).

 

D’après la limonite trouvée sur les lieux, il pourrait s’agit d’un endroit mi-artisanal, mi-culturel protégé (comme au camp de la Bure à Saint-Dié). Des fouilles devront encore confirmer cette hypothèse. Les techniques, employées par ses bâtisseurs, font pencher la balance en faveur de cette époque. Il peut aussi relever de l’époque gallo-romaine, notamment en raison de la particularité qu’ont eu les bâtisseurs de l’époque, d’éclater les roches par des coins en fer. Des monnaies en bronze, représentant Constantin Ier (272-337), ont été découvertes dans cet endroit, en 1926, par Robert Forrer, ce qui permet de penser que les romains ont séjourné à cet endroit. Enfin, l’utilisation de queues d’aronde, en bois, a également été largement utilisées au cours de la période romaine. D’autres archéologues pensent, au contraire, que le mur a pu être construit à l’époque du haut Moyen Âge, durant le règne du duc d’Alsace Aldaric et de ses descendants. Ils se basent d’après l’analyse d’éclats de bois, retrouvés sur les lieux. Seuls les versants nord et sud du Schlossberg ont conservé des tronçons du mur. Dans sa partie sud, il suit une ligne pratiquement rectiligne, qui remonte en pente douce. Le mur se fond aussi dans d’importants rochers, qui se trouvent sur place. Plus tard, vers le Moyen Âge, de nombreuses pierres du mur païen seront probablement utilisées pour construire le château du Frankenbourg. Cette enceinte protohistorique a été classée monument historique le 10 septembre 1990.

 

La visite de ce château s’effectue sous votre entière responsabilité. Les ruines sont fragiles, faites attention où vous marchez. Pour permettre à tous d’en profiter et garantir votre sécurité, merci de ne pas escalader les murs ni arracher ou déplacer de pierres, ne pas vous approcher du vide et bien surveiller vos enfants… Bonne visite